Critique du film Only God Forgives par Etienne Darraud

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À BangkokJulian, qui a fui la justice américaine, dirige un club de boxe thaïlandaise servant de couverture à son trafic de drogue. Sa mère, chef d’une vaste organisation criminelle, débarque des États-Unis afin de rapatrier le corps de son fils préféré, Billy : le frère de Julian vient en effet de se faire tuer pour avoir sauvagement massacré une jeune prostituée. Ivre de rage et de vengeance, elle exige de Julian la tête des meurtriers. Julian devra alors affronter Chang, un étrange policier à la retraite, adulé par les autres flics …

Nicolas Winding Refn, l’un des plus fins plasticiens du cinéma contemporain, revient à son cinéma le plus épuré, le moins accessible, et continue d’explorer la solitude et les instincts après Bronson, Valhalla Rising et Drive, sans toutefois parvenir à lézarder son expérience ultra-violente d’une saine dose de poésie, brillamment greffée à ses meilleurs métrages.

Comme toujours avec Refn, le scénario tient sur du papier à cigarette, mais le cinéaste danois ne semble pas avoir été aussi inspiré et imaginatif qu’Hossein Amini au moment d’adapter le roman de James Sallis pour Drive, proposant ainsi une réelle expertise du storytelling. Les ellipses sont nombreuses et le personnage principal (Ryan Gosling, assez loin de ses prestations les plus charismatiques) est plus falot que taciturne. L’effleurement métaphorique du complexe d’Oedipe, quant à lui, permet surtout d’imposer Kristin Scott Thomas en Reine White trash du crime organisé et mère castratrice. Les codes empruntés au cinéma d’action asiatique dans ce néo-noir transposé en Thaïlande sont en outre gâchés par des contre-pieds maladroits.

Only God Forgives souffre donc d’un manque d’âme, mais la mise en scène est fidèle à son auteur : prodigieuse. Les plans sont traités avec une minutie particulière et les personnages peuvent tour à tour paraître glaçants ou effrayés sous la focale de Nicolas Winding Refn. Bangkok n’aura jamais paru si méphitique et cauchemardesque. C’est un catalogue des endroits les plus glauques et illuminés par des néons d’arrière-boutique de la capitale Thaïlandaise. Un autre des atours du danois s’impose ici en émergeant du nappage éléctro de Drive ; la prise de son, épousant même à certains moments la musique sourde comme un atterrissage d’avion de Cliff Martinez, qui hante le film.

La violence de chacun des films de NWR, en particulier Bronson et Drive, mettait jusqu’ici en relief la contemplation romantique et érotisée de ses personnages troubles. Only God Forgives est lacunaire mais s’envisage comme une oeuvre expérimentale satisfaisante et un acte II dans la collaboration entre deux artisans majeurs du cinéma indépendant mondial.

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L’équipe du film était présente à Cannes lors du dernier festival.