Critique du film Jeune & Jolie par Etienne Darraud

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Synopsis (officiel) : Durant l’été, Isabelle fête ses dix-sept ans en famille. Elle perd aussi sa virginité avec un jeune Allemand, Felix. À son retour à Paris, où elle retrouve le chemin du lycée, elle se livre volontairement à la prostitution.

François Ozon, prolifique cinéaste de la bourgeoisie française, livre un film aussi délicat que la bande annonce cannoise le laissait supposer, qui se contemple comme une boite à musique dont la ballerine est déflorée.

Les éléments de présentation du personnage affleurent avec une grande justesse dans les premières minutes du film. Le nombre de bougies sur un gâteau d’anniversaire renseigne sur l’âge de la fille et l’appartement de ses parents est un écrin bourgeois dans lequel se créent des stratégies individuelles. Mais le métrage s’ouvre, surtout, grâce au merveilleux thème principal du compositeur Philippe Rombi intitulé « été » ; saison mélancolique de laquelle le film s’obsède malgré les mois qui passent. Le récit est une allégorie provocante du poème de Rimbaud : « Roman », cité dans une scène. « On n’est pas sérieux quand on a 17 ans », tente de se défendre la jeune fille lorsqu’elle est prise.

Jeune & jolie, c’est Marine Vacth, drôle d’oiseau aux valises sous les yeux et au charme rare, qui interprète Isabelle, une de ces adolescentes introverties camouflées sous les vêtements et les faux-semblants. Gâtée et insatisfaite, vicieuse selon sa mère ou mutine dans les quelques moments drôles du film, elle est en tout cas insaisissable. On peut regretter qu’il n’y ait jamais d’explication à sa conduite, mais cela nuirait sans doute au bovarysme du personnage.

Car l’autre force du film est d’éviter le mauvais goût sur un sujet pourtant éculé des émissions voyeuristes du dimanche soir. Malgré les scènes de nu, le traitement distancie le témoin d’une quelconque empathie pour le personnage (loin d’un cinéma « organique » tel « De rouille et d’os » par exemple). Ozon esquive la saturation psychologisante des films au sujet lourd et ne s’embarrasse pas d’un discours pesant ou d’excuses frauduleuses. La mise en scène, froide mais élégante, est en parfaite adéquation. Enfin, la musique est parfaitement choisie, alternant les classiques pop (M83) et Françoise Hardy, chantre des jeunes filles en fleurs dont les paroles semblent se confondre avec les pensées d’Isabelle.

Jeune & jolie trouble longtemps après son visionnage. Eternel songe de cette nuit d’été qui a vu Isabelle perdre sa virginité, le film rappelle inlassablement les plus beaux objets de délicatesse du cinéma contemporain (Lost in translation) et renvoie à la mélancolie des plus beaux vers de Rimbaud.