[Cinéma] Critique du film Her par Etienne Darraud

 

Synopsis : Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly est inconsolable suite à une rupture difficile. Il fait alors l’acquisition d’un programme informatique ultramoderne, capable de s’adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de Samantha. Peu à peu, ils tombent amoureux…

her film itinérairebis

Après quatre années d’absence au cinéma, l’hyperactif Spike Jonze ajuste son regard sur le monde qui l’entoure et propose une réflexion accessible sur les nuances entre progrès et évolution, entre âme sœur et idéal.

Theodore Twombly (Joaquin Phoenix), un sentimental abimé, écrit des lettres d’amour artisanales pour d’autres à l’ère post-réseaux sociaux, où chacun n’interagit plus qu’avec son smartphone. Lui même le symbole de la décomposition du lien social, il n’arrive pas à communiquer avec sa femme en instance de divorce et pourtant toujours amoureuse.

Her film itinérairebis

Comme dans les films de Sofia Coppola, avec laquelle Jonze a été marié, la ville impersonnelle et paradoxalement agoraphobe est un élément fondamental du questionnement solitaire et des crises de mélancolie. Dans le Los Angeles anticipé du réalisateur, le verticalisme architectural et la froideur des murs-rideaux contrastent avec les couleurs chaudes des environnements intérieurs, métaphore des hommes comblés de ressources mais incapables de s’apprivoiser.

Plus mature qu’auparavant, Spike Jonze ausculte avec délicatesse le corps d’une relation amoureuse, dont les symptômes dépressifs sont sans doute les mieux cernés. Les fragments constitués par la présence de Rooney Mara à l’écran sont en effet particulièrement gracieux.

La « comédie » du cahier des charges est en revanche plus ou moins pertinente. Et l’histoire d’amour entre Theodore et son système d’exploitation (Scarlett Johansson) est finalement assez convenue. Mais elle renvoie humblement, surtout, aux chefs-d’oeuvre de Stanley Kubrick 2001 : L’odyssée de l’espace et de Steven Spielberg A.I. Intelligence artificielle. L’interrogation partagée par ces trois métrages est la capacité des machines à pouvoir aimer ou ressentir des émotions.

Her, Oscar du meilleur scénario original à la 86ème cérémonie des Academy Awards, est une jolie fable naviguant entre utopie et dystopie, où le progrès sert l’évolution, où l’on rappelle tendrement que la grande quête de l’homme n’est pas technologique, mais d’amour.