Entretien avec Oxia à l’occasion de la sortie du maxi de remixes de « Domino » sur le label Sapiens d’Agoria


Depuis la sortie de Domino en 2006 sur Kompakt, Oxia a produit un grand nombre de EPs et remixes sur des labels tels que Hot Creation, 8bit, Visionquest, Saved… Mais également son deuxième album, « Tides of Mind » (2012 – Infiné), qui a largement été salué par la critique. En 2016 il lance avec son ami Nicolas Masseyeff un nouveau label ‘Diversions Music’ sur lequel Oxia a sorti ses deux derniers EPs. 2016 marque aussi les dix ans du hit ‘Domino’.

En marge de la sortie sur le label d’Agoria des remix de son titre culte Domino, ItinéraireBis a posé quelques questions à Oxia.



IB: la plupart des gens te connaissent sous le pseudonyme Oxia, mais que veut dire ce mot ?

A la base on était deux dans Oxia (Stéphane Deschezeaux et moi) de 1995 à 2000. Lorsqu’on a commencé à faire de la musique ensemble on cherchait un nom et il s’avère que Stéphane avait pas mal de livres d’astronomie. En cherchant dans l’un de ses livres, on est tombés sur ce nom, « Oxia »qui est une région sur Mars. On a bien aimé, donc on s’est appelés comme ça, mais ça n’avait aucune signification particulière pour nous. Ensuite quand nous nous sommes séparés, Stéphane m’a laissé garder le nom.


IB: tu as commencé à faire de la musique avec KIKO dans les années 90 sous le pseudonyme de Phunky Data, aujourd’hui avez-vous totalement abandonné ce projet pour continuer en solo ?

Oui en parallèle au projet Oxia avec Stéphane, j’ai aussi travaillé avec Kiko fin des années 90 jusqu’au début des années 2000 puis j’ai décidé d’arrêter pour me concentrer seulement sur Oxia ; mais, comme avec Stéphane, nous sommes toujours potes. Nous avons aussi créé le label Ozone Records ensemble sur lequel nous avons sorti le premier EP d’Oxia en 1995.



IB: les années 2000 ont vu pas mal de DJs voir le jour, quelle était ta bande de potes ?

J’ai d’abord rencontré Miss Kittin et The Hacker en soirée puis Kiko qui venait de Valence pour ouvrir son shop de vinyles. On était très souvent ensemble avec Michel (The Hacker) et Kiko, vu qu’en plus j’avais les labels Ozone Records avec Kiko et Goodlife avec Michel. Puis, ensuite, je suis aussi devenu très amis avec Agoria quand j’ai passé deux ans à Lyon, il habitait là-bas à l’époque.


IB: le vinyle connaît une vraie renaissance, tu n’as pas envie de t’y remettre parfois ?

Je ne pense pas. A l’époque on n’avait pas le choix puisqu’il n’y avait pas d’autres supports, mais aujourd’hui ce n’est plus le cas et très honnêtement ça ne me manque pas de me casser le dos à porter mes vinyles… (rires) Au final, un morceau reste le même, qu’il soit sur vinyle ou non; pas mal de gens qui sont en face de toi ne verront pas la différence, même si c’est vrai que pour le coté visuel, jouer en vinyle ça a un côté plus cool pour les gens et que le son est plus chaud…

Mais ce qui est bien aujourd’hui c’est qu’on peut tout avoir, on peut arriver avec des centaines de tracks sur une clé USB alors qu’à l’époque on n’allait pas se ramener avec 20 caisses de vinyles.


IB: et quelles ont été tes influence majeures ?

J’ai toujours écouté beaucoup de choses mais à la base j’écoutais du Funk, j’ai d’ailleurs commencé à faire une émission radio Funk quand j’avais 16 ans. Souvent je fais écouter à mes potes des morceaux du milieu des années 80 et ça m’étonne toujours cette transition qu’il y a eu entre la Funk et la House. A l’époque, on ne se rendait pas forcément compte que c’était un nouveau style musical ; pour nous c’était vraiment dans la continuité de la Funk. C’est plus tard qu’on a vraiment réalisé.

À cette époque, j’écoutais aussi pas mal de New Wave, un peu de rock… Depuis, je me suis ouvert à pleins de choses : jazz, musique classique, pop, electronica… J’écoute des choses assez différentes de ce que je joue en soirée. D’ailleurs, je fais régulièrement des podcasts que j’appelle « Home Selection » avec seulement des choses très calmes que j’écoute chez moi, en voiture…



IB: à quel moment es-tu passé professionnel ? Est-ce que pour toi c’était dû à quelque chose de particulier ? (cc : un track, une bande de potes…)

Comme je le disais plus haut, j’ai animé une émission de radio à partir de 16 ans ; ça a été mon premier contact avec le monde musical. Puis j’ai commencé à mixer dans des soirées étudiantes… Début des années 90 nous avons commencé à faire de la musique avec Stéphane. Puis on s’est orientés vers la techno aux alentours des années 93-94 et notre premier EP est sorti en 1995.

J’étais résident dans un club à Grenoble et petit à petit avec les premiers disques on a commencé à parler de nous en dehors de Grenoble, et j’ai commencé donc à jouer de plus en plus en dehors de la région, puis à l’étranger. Il n’y a pas eu vraiment de moment particulier, cela s’est fait petit à petit. Et c’est fin 97 que j’ai décidé de me concentrer seulement sur la musique et j’ai arrêté de travailler à côté.


IB: musicalement, tu as commencé par de la house puis tu t’es dirigé un peu vers la techno, tu n’as jamais pensé à emménager dans une grande ville pour y trouver de nouvelles inspirations ?

Forcément notre environnement influence ce qu’on fait mais je n’ai jamais vraiment ressenti le besoin de bouger. Même si j’ai souvent pensé à aller habiter à Paris, mais finalement je suis resté à Grenoble. Je bouge tellement souvent qu’au final je suis d’une certaine façon inspiré par les endroits où je vais, je pense.


IB: depuis tes débuts tu as exploré plusieurs styles, entre ce que tu faisais sur le label de Carl Cox dans les années 2000 (Intec Records) ou encore l’EP de ton label Diversions Music avec Nicolas Masseyeff… en 2017, tu souhaites explorer quelque chose de nouveau ?

Vers du RNB (rire). J’ai toujours aimé faire des choses différentes, comme j’aime beaucoup de choses. C’est vrai que certains, par choix artistique, choisissent de rester cantonnés dans le même style, perso j’aime me diversifier – comme par exemple sur mon dernier EP « Secret Point » sorti en octobre 2016 sur notre label Diversions Music. Il y a trois tracks assez différents.

Mon dernier album sorti en 2012 m’a permis de proposer d’autres choses que ce que j’avais fait jusque-là. J’ai travaillé avec des chanteurs / chanteuses, j’ai fait des tracks plus soft, downtempo, pas du tout orientés dancefloor… Et je pense faire pareil pour mon prochain album.


IB: tu as joué dans le monde entier, quelle a été ta meilleure date ou ton meilleur souvenir sur scène ?

Après toutes ces années c’est difficile à dire, j’ai fait tellement et je continue toujours à faire de très bonnes dates qui me laissent de super souvenirs. Mais les dates qui m’ont le plus marqué je pense c’est à l’époque quand j’ai commencé à jouer avec les DJs dont j’étais fan, comme Laurent Garnier, Jeff Mills…



IB: tu t’es produis au BPM au Mexique le 14 janvier au côté de Popof, Animal &ME et Julien Jeweil. Ce n’était pas un des plus gros festivals que tu aies faits ?

Alors le BPM c’est un peu particulier, c’est gros au niveau du line-up et du nombre de personnes, mais c’est dans plein de clubs et d’endroits différents, sur une dizaine de jours. De notre côté nous avons joué dans un club de 600 personnes environ, et c’était vraiment très cool. Je ne sais plus le plus gros festival que j’aie fait, il y en a eu pas mal.


IB: à Paris, on a l’habitude de te voir au Rex ; est-ce que tu as un contrat avec eux ?

J’ai une résidence au Rex, c’est pas forcément régulier. Ca se fait au feeling, donc on fait la programmation ensemble sur une soirée qui s’appelle Tide . En général je fais souvent jouer des copains et des DJs que j’aime bien humainement -sans vouloir les privilégier, c’est juste que cela crée souvent une meilleurs atmosphère quand on se sent très à l’aise avec les gens avec qui on joue.


IB: ta prochaine date c’est le Marvellous Festival et on a vu que Kiko se produirait aussi. Ça va être un peu un retour aux origines pour toi non ?

Kiko présente son projet Cold Miles avec Olivier Giacomotto à la Marvellous. On est toujours potes avec Kiko, et on joue toujours de temps en temps sur les mêmes soirées. On a par exemple joué ensemble en février à Nancy, donc ce ne sera pas vraiment inédit pour nous de nous retrouver à nouveau sur une soirée ensemble.


IB: parlons un peu d’actualité avec la sortie de ton maxi de remixes de « Domino » sur le label Sapiens d’Agoria… Les gens t’identifient constamment au morceau « Domino », comment est-ce que tu le ressens ? Pour toi est-ce qu’on peut dire que c’est une fierté ?

Oui j’ai une certaine fierté quand même. C’est vrai que c’est assez impressionnant quand je vois le nombre de vues sur YouTube : + de 20 millions. La track a 10 ans et depuis 2 ans les vues ont encore considérablement augmenté. Donc cela fait toujours plaisir quand un track qu’on a fait il y a plus de 10 ans est encore autant écouté.

Il y a environ un an, avec Agoria on parlait ensemble des 10 ans de Domino, et il m’a proposé de le ressortir avec des remixes. Comme il montait son nouveau label Sapiens, il m’a convaincu de le faire dessus. Et donc voilà, les remixes de Matador, Frankey & Sandrino, Robag Wruhme plus un rework par moi-même sont sortis il y a quelques jours.



IB: tu le passes obligatoirement/régulièrement dans tes sets ?

C’est vrai que ça devient une habitude, je le joue souvent. Même après 10 ans je vois que les gens attendent que je le passe, et il y a toujours une super bonne réaction, je suis là aussi pour faire plaisir. C’est aussi pour ça que j’ai fait une version retravaillée ;avec les remixes ça me permettra d’alterner.



IB: tu as longtemps refusé qu’il soit remixé et finalement dans ton communiqué de presse tu annonçais accepter de sortir un maxi de remixes sur le nouveau label d’Agoria : Sapiens. Comment en es-tu arrivé à accepter ?

Tout le monde me pose cette question (rire)… Mais je ne sais plus vraiment pourquoi j’avais refusé jusque-là, certainement pour des raisons techniques. Agoria m’a proposé ce projet il y a un peu plus d’un an, et il a réussi à me convaincre.

C’était assez compliqué au début il a fallu que je refasse le morceau piste par piste. Comme je travaillais sur un Atari à l’époque qui faisait uniquement séquenceur, c’est à dire qu’il pilotait simplement les synthés et boites à rythmes, on ne pouvait pas enregistrer chaque piste en audio, j’ai donc du tout refaire.


IB: as-tu un droit de regard sur le choix des artistes pour les remixes ?

Oui bien sûr. On a fait une liste d’artistes avec Agoria et on a contacté ceux qu’on avait en commun. Certains ont refusé, mais d’autres ont dit oui et on est contents d’avoir bossé avec ces artistes. Je ne les connaissais pas tous personnellement avant, mais on voulait prendre des gens qu’on apprécie musicalement / artistiquement.


IB: on retrouve dans ce maxi des styles très différent, entre le remix plus house de Matador ou celui plus chill de Robag Wrume. Dans ces différents remixes, si tu devais en choisir un ce serait lequel ?

C’est un peu dur de répondre à cette question …(rire) Ils sont tous bien, je les aime pour différentes raisons. Celui que je jouerais peut-être le plus c’est le remix de Frankey et Sandrino ; le Matador aussi. J’aime beaucoup le Robag Wrume également mais il reste peut-être plus difficile à jouer vu qu’il est bien plus soft et donc plus compliqué de le caler dans mes sets en pleine soirée.


IB: quels sont tes prochains projets ?

Pour notre nouveau label avec Nicolas Masseyeff, Diversions Music, le projet avance bien. On vient de sortir le 3éme EP, c’est Nicolas lui-même qui l’a fait. On fait vraiment ça au feeling, l’idée n’est pas de sortir quelque chose impérativement chaque mois mais de faire ce qui nous plaît.

A côté de ça, il y a un remix du célèbre track « Why does my heart feel so bad » de Moby qui sort en mars sur Suara. Puis un remix pour Stefano Noferini sur le label Moan en avril. Ensuite je travaille sur un nouvel EP, et j’aimerais commencer à travailler sur un nouvel album.


IB: est-ce que tu prévois de signer d’autres artistes sur ton label ?

Oui, bien sûr. On va sortir un duo italien qui s’appelle Artslaves très bientôt, il y aura aussi un remix de Nicolas et moi de l’un des tracks. On reçoit beaucoup de démos et on essaie d’en écouter le plus possible mais c’est vrai que c’est compliqué et ça prend beaucoup de temps de répondre à tout le monde.



IB: finalement, penses-tu avoir influencé la scène française ?

Ah, ça ce n’est pas moi qui peux le dire ! Forcément quand on est là depuis longtemps, on a certainement quelque part inspiré la jeune génération comme je l’ai été avec celle d’avant.


IB: trouves-tu que les valeurs PLUR (Peace Love Unity Respect) de la culture club sont toujours centrales dans le mouvement ?

C’est difficilement comparable comme l’époque n’est pas la même, ce mouvement rave/techno c’était quelque chose de vraiment nouveau. Je ne pense pas qu’on pourra revivre un tel mouvement comme on l’a eu avec la techno à ses débuts. On a vécu quelque chose d’exceptionnel car c’était le tout début, ça ne peut pas être tout à fait pareil 25 ans après. Et ce n’est pas mieux ou moins bien, c’est simplement différent, mais il y a toujours un très bon esprit dans plein des soirées, festivals… et je m’y sent toujours aussi bien.


IB: la musique a souvent été porteuse d’un message. Récemment on pouvait voir Laurent Garnier au Rex passer « La jeunesse emmerde le FN ». Que penses-tu de tout ça ?

Les premières raves portaient un message de tolérance, de liberté… Je ne dis pas que c’est plus le cas mais c’était différent. Après comme je disais c’est aussi l’époque qui voulait ça. Aujourd’hui la musique électronique est rentrée dans les mœurs, il n’y a plus d’interdictions ou de côté rebelle je pense. Mais Laurent a bien fait de jouer ce titre, surtout en ce moment.


Crédits photoPascale Cholette