INTO THE VALLEY 2017 : L’amour en Estonie

Rummu Karjäär ! Voilà deux mots qui semblent être totalement incongrus et pourtant ils étaient aux lèvres de plusieurs dizaines de festivaliers il y a un peu plus d’un mois. Mais que signifient-ils ? Est-ce le nom du prochain EP de Nina Kraviz ?  Loin de là ! C’était avant tout une prison à l’époque soviétique, puis une carrière abandonnée et c’est récemment devenue une belle plage de la commune de Vasalemma en Estonie.

Pays d’Europe du Nord, il semble difficile d’imaginer des centaines de jeunes faire le déplacement pour assouvir une quête de dépaysement. Pourtant c’est le pari qu’a fait l’organisation Music Goes Further en 2014 lorsqu’elle lançait sa première édition de Into The Valley dans la vallée de Dalhalla, en Suède. 

Au delà d’un simple festival, Into The Valley est « un monde à part » dont on revient, sans aucun doute, différent. Et c’est justement cette différence qui a fait le charme de l’offre proposée par les organisateurs suédois, qui, deux éditions réussies plus tard, annonçaient s’exporter à l’international en commençant par l’Estonie du 29 au 2 juillet dernier.


L’expérience débute réellement fin 2016, lorsque la page Facebook dévoile les images de ce nouveau spot en Europe du Nord. Loin des villes, entre végétations et eau limpide, le coup de coeur est rapide et appuyé par le line-up formidable proposé par Music Goes Further (avec entre autres : The Black Madonna, Jeff Mills, Dixon, Bjarki, Ricardo Villalobos, Nina Kravitz…).

Alors que faire quand on se retrouve totalement scotchée devant son écran d’ordinateur? Comment résister à l’envie de prendre un vol aller Paris-Estonie dans la seconde qui suit? Evidemment on se retrouve très vite à faire une dizaine de conversations Messenger à la recherche d’une réponse positive à la fameuse phrase « QUI EST CHOO ICI??? ». L’histoire commence ainsi et c’est sans doute de cette façon que Music Goes Further a encore une fois convaincu des centaines de festivaliers à s’envoler vers les pays nordiques.


Jour 0 – Jauge d’excitation : 100 %


Téléphone, batterie externe, passeport, sweat-shirt, paillettes… le compte est bon, à un détail près : parapluie et kway seront de rigueur. Malheureusement le rêve de danser les pieds nus dans le sable au petit matin s’est vite effondré  à cause  de la météo capricieuse ne dépassant pas les 22 degrés durant notre séjour.

Comptez environ 4h pour arriver à Tallin, la capitale de l’Estonie, puis une petite heure pour rejoindre Rummu. Les plus téméraires auront choisi le camping mais de notre côté nous avons opté pour une solution plus confortable : un appartement au coeur de Tallin de sorte à visiter la ville avant les festivités.


Jour 1 – 1km à pied, ça use 


19h nous nous dirigeons vers les navettes mises en place par le festival. Anglais, estonien, allemand, etc ; à peine assis l’ambiance bon enfant du festival et la mixité du public se font déjà ressentir. Pas de Haidl & Lindstrom, Kask ou encore Nikolajev en ouverture du festival pour découvrir la scène locale mais heureusement nous arriverons pour les débuts de Hunee.

1h de bus plus tard, premier pas sur la terre promise : c’est à ce moment précis que surgit ce sentiment de dépaysement et de bonheur intense. Accompagné par un grand soleil, Into the Valley rayonne et nous laisse entrevoir la beauté des vestiges de la prison soviétique. Murs bétonnés, barbelés, le côté obscur du cadre de la prison de Rummu contraste avec la beauté naturelle du paysage. Composé de seulement deux scènes (contre quatre pour les deux jours qui suivront) la Beach Stage semble faire l’unanimité.

Positionné sur un piloti et entouré de plusieurs caissons, Hunee, DJ et producteur hollandais, fait résonner la scène avec sa sélection allant de la house/disco à la techno. Tandis qu’il lâche une touche acid avec «  Test One «  de Acid Test on en profite pour observer ce public éclectique. Un homme porte un parapluie lumineux surmonté d’une bouée flamant rose et deux autres arborent un déguisement de banane géante. Et nous ? On en profite pour remettre une dose de paillettes avant de les rejoindre danser.

C’est Carl Craig qui suit et nous en profitons pour gravir les carrières et profiter de la vue à couper le souffle du soleil couchant. Mais paysage de carte postale ou pas, il est 22h passées et il fait faim. Direction le coin chill pour découvrir les divers food trucks. Frites et burger vegan, wrap boeuf ou poulet, smoothie, c’est finalement la formule vegan qui aura retenue notre attention histoire de se fondre dans ce cadre so healthy et dépaysant.

Après avoir fait le tour des lieux, et découvert entre temps des installations artistiques dans l’une des nombreuses bâtisses de la prison, nous retournerons finalement à la plage pour terminer la soirée. La scène 2 « The Warehouse » n’était malheureusement pas ouverte ce soir là, le festival aurait fait face à des problèmes techniques indépendants de leur volonté.

En effet, il semblerait que lors du soundcheck le plafond de cette scène ait commencé à s’effondrer empêchant ainsi à plusieurs artistes de se produire. C’est donc The Black Madonna, la sainte patronne des dancefloors, qui clotûrera ce premier jour en beauté mêlant techno et house de Chicago. 6h de danse effrénée et pourtant « Alright this morning«  nous ferait presque retrouver la même énergie qu’au petit matin.


Jour 2 – Sors ton plus beau K-way


« Un degré de perdu dix degrés de retrouvés », loupé ! Malgré les souvenirs de cette douce nuit, le changement de température se fait vite ressentir. Adieu beau soleil et bonjour le super k-way pour entamer ce deuxième jour. Navette en retard, line-up décalé et vallée inondée, mais que c’est agréable de voir que rien n’arrêtera les festivaliers, pas même le mauvais temps.

Il est 19H et Midland prend les platines sur la plage pourtant au fur et à mesure que ton verre se remplit d’eau de pluie, nombreux sont ceux qui décideront d’aller s’abriter sous un toit de la prison. Quatre murs et deux chauffages, voilà qui réconfortera plusieurs dizaines de festivaliers pendant une bonne heure en attendant que la tempête passe. La warehouse est définitivement fermée et les artistes sont tant bien que mal déplacés sur d’autres scènes, voyant souvent leur set se réduire d’une heure ou deux.

Quelques coup de gueule « Mais non Jeff Mills jouera 1h de moins ? », « IL EST OU BJARKI ? » et c’est vite reparti pour la danse de la pluie. Il est déjà 21H, et les sonorités bien distinctes du live de Recondite font vibrer la plage. « Warg » sera définitivement la track qui entraînera tout le monde sous la pluie. Alors que le premier jour résonnait davantage sur des notes house et mélodiques, ce deuxième, lui, annonce un nouveau tournant pour le festival.

Amateurs de techno, le rendez-vous était à la scène Yacht, pour voir entre autres Answer Code Request, Bjarki ou encore Function. Difficile de quitter la scène, notamment quand Patrick Graser lâche cette bombe qu’est l’edit de N69 de « Escape the System«  entre Dax J et The Future Sound of London. Les beats montent en puissance et c’est Bjarki qui prend le relais avec une techno sombre et acide ne laissant personne sur sa faim en passant le célèbre titre « I wanna go bang« . 

Il est déjà minuit et après avoir échauffé nos oreilles il est temps de les apaiser avec Dixon qui commence son set sur la beach stage. Numéro un sur Resident Advisor depuis 2 ans, sa sélection étonne et conforte tout le monde dans sa maîtrise du DJing.

Mêlant track africaine comme « Lodi » de Denis Horvat ou douce mélodie au piano avec « Bloodflow » de Grandbrothers, l’artiste semble faire l’unanimité avant de laisser place à Jeff Mills. Légende, pionnier, figure emblématique de la musique électronique, Jeff Mills fait partie de ces artistes qu’on ne souhaite pour rien au monde rater pendant un festival. De la house de Chicago à la techno de Détroit, le producteur ne déçoit pas et nous offre un set puissant. La pluie s’arrête et le soleil se lève; mais ce deuxième jour terminera finalement sur Marcel Dettman et sa techno beaucoup plus obscure avec « Phantom Studies« .


Jour 3 – Où est passée la navette ? 


Réveil difficile, la fatigue se ressent de plus en plus mais bonne nouvelle : une nouvelle scène a été construite pour remplacer la Warehouse « The Dome ». C’est Arthur Läats, un artiste local, qui l’inaugurera pendant que la house résonne sur la Beach stage.

C’est surtout aux alentours de 22h que commence vraiment la soirée de notre côté, avec Jennifer Cardini sur la plage qui nous régale entre le remix de Dixon « Chloé – The Dawn » ou encore « MZ » de Sascha Funke. Kerri Chandler prend ensuite la relève pour assurer un set aux influences disco collant parfaitement aux VJing projetés sur un mur en arrière-plan de la scène. 

Mais impossible de rester en place lorsque l’on sait que Rodhad se produit dans le dôme. « The Wall » nous plonge très rapidement dans l’univers de l’artiste, et tandis que l’on tente d’observer la scène qui nous entoure, on se retrouve très vite perdu dans les bpm élevés de Rodhad. Regis prend la relève, et l’on se dirige vers la montagne pour assister au set de Nina Kraviz. De la minimal à l’acid, passant par de la ghetto house avec DJ Slugo « Wouldn’t You Like To Be a Hoe Too » le temps passe et il est déjà 6h.

La foule a diminuée, entre ceux qui n’en pouvaient plus d’être trempés ou ceux qui étaient trop fatigués, mais les quelques personnes restantes semblent bien décidées à vivre l’expérience jusqu’au bout. Alors que les organisateurs pensaient sans doute avoir une météo plus favorable, la beach stage se vit tout d’un coup envahir par une distribution de glace. « ICE CREAM , ice creaaam », le festival se termine dans quelques heures et se clôturera pour nous sur de la house / minimal avec Axel Bomman et Janina, une glace à la main.

C’est l’heure des adieux : adieu Rummu Karjäär, adieu à tous ces visages inconnus qui étaient devenus presque familiers au bout de 3 jours, adieu Into The Valley. Il est encore trop tôt pour ressentir une quelconque tristesse, l’heure est à l’imagination d’un lit douillet et d’une bonne douche brûlante. Tout le monde se dirige vers la sortie et on croirait presque que les organisateurs ne veulent pas nous laisser partir lorsque la navette de retour n’arrive jamais.


Jour 4 – Alors on y retourne ? 


Le retour à la réalité est quelque peu amer tant l’expérience proposée par le festival est hors du commun. Au-delà d’offrir un line-up d’une rare qualité, ramenant les figures emblématiques de la house, micro, techno, faire l’unanimité pour un festival n’est pas donné à tout le monde. Et pourtant les nombreux problèmes d’organisation et la météo catastrophique auxquels ont dû faire face les organisateurs seront vite oubliés par les festivaliers.

Braver la pluie, l’attente interminable des navettes ou encore la déprogrammation de ton artiste favori (on pense notamment à Sonja Moonear) furent très vite oubliées et remplacées par cet immense sentiment de bonheur d’avoir foulé ce sol nouveau autour d’une passion commune : la musique.

La tête remplie de souvenirs musicaux et visuels, on peut aujourd’hui vous l’affirmer : OUI, nous y retournerons sans hésitation. Pour le cadre, la musique mais aussi l’ambiance de ces gens venus du monde entier pour vivre et partager cette expérience. La bonne nouvelle dans tout ça ? Si un an vous paraît bien trop long à attendre, Music Goes Further organise Into The Castle le 28 janvier 2018 dans un château en Afrique.

Plus d’info ici : Into The Castle 2018