Rencontre avec Simo Cell, talent déjà confirmé de la techno française

    15 ans, c’est l’âge auquel Simo Cell s’est mis à mixer. Si cela se ressent dans sa grande culture des musiques électroniques, c’est surtout une fois qu’il passe derrière les platines que l’on se rend compte que l’on à face à nous un artiste confirmé, qui à déjà beaucoup joué et voyagé. Ses sets sont en effet toujours de réelles expériences imprévisibles, pleines de découvertes et aux influences multiples. Nous avons eu la chance de pouvoir lui poser quelques questions !


ItinéraireBis : tu viens de passer par Concrete pour un B2B de folie avec le très expérimenté Zadig, comment avez-vous préparé la chose ? Était-ce une volonté de longue date de jouer ensemble ?

Simo Cell : on ne se connait pas très bien, mais j’ai beaucoup de respect pour lui et c’est un de mes DJ Techno préférés. Dès la sortie de mon premier skeud, il y a deux ans, il a commencé à jouer mes tracks. Cela m’a un peu surpris, car il est connu sur un registre un peu différent du mien, je ne savais pas qu’il s’intéressait au type de son que je produis.

C’est quelqu’un de très ouvert d’esprit, de fin, il est toujours à la recherche de nouvelles choses. Il peut tout jouer ! Il a continué à jouer mes EP’s puis on s’est envoyé des messages pour finalement se rencontrer à la 75021 en juin dernier, car on jouait sur le même plateau. On a discuté et il m’a dit que cela lui ferait plaisir que l’on joue ensemble. C’est venu, naturellement. C’est super cool !

Fin janvier, il y a aussi cette date exceptionnelle à la gaieté lyrique avec Renart, Voiski, J-Zbel et Hajj. Joueras-tu toi aussi en live à cette occasion ?
Non, ce sera le seul DJ-set de la soirée ! C’est la première fois que ça m’arrive, normalement il y a un Live et plusieurs DJ Sets (rires) !

J’ai commencé à mixer avant de produire. Quand je produis, tout se fait par ordinateur et tout est contrôlé alors que le live, c’est plus du Jam. Avec ma manière actuelle de produire, cela ne fait pas sens. Peut-être qu’un jour, à l’occasion d’un événement en particulier… Mais pour l’instant, j’adore le DJing, je prends beaucoup de risques quand je mixe et je commence vraiment à faire corps avec les platines.

C’est un beau plateau français, tu connais tout le monde ?

Je connais vraiment bien J-Zbel, ce sont de bons potes. Grâce à BFDM, on tourne souvent ensemble et on se marre bien ! Le côté familial du label est important pour moi. Je ne suis pas là juste pour faire un disque, j’ai envie de travailler sur le long terme. En plus, c’est bien mieux de tourner à plusieurs que d’être tout seul.

Renart, je le connais depuis assez longtemps maintenant. C’était l’un des premiers invités que l’on a reçus lorsqu’on organisait des soirées avec Phonographe Corp. à Reims.  Du coup, cela fait un petit moment qu’on se connait et qu’on se croise régulièrement. On rigole bien ensemble.

Concernant Voiski, on se croise aussi de temps en temps lors de dates.

En ce moment, quels autres acteurs de la scène française t’intéressent ?

Il y a plein d’artistes, c’est très excitant ! C’est compliqué de faire du namedropping, car je vais oublier des gens… Plus je joue, plus je rencontre des collectifs cools et je me rends compte que dans chaque ville il y a des producteurs intéressants. Je reçois aussi un grand nombre de démos, beaucoup sont intéressantes. Récemment, j’ai décidé d’enregistrer un mix sur Rinse parce que je voulais mettre en avant toute cette scène foisonnante. Malheureusement, il ne dure qu’une heure donc je n’ai pas pu mettre tout le monde, mais j’avais bien de quoi enregistrer 3 heures de mix. Par contre, il n’y a pas de son français à proprement parler, les influences sont diverses.

En termes de collaboration, je commence à travailler avec Bambounou. L’année dernière, nous avons sorti un Ep de remix sur Will & Ink dont je suis très fier.

Cette année, tu as sorti 3 EPs. Dirais-tu que c’est ton année la plus prolifique ?

Je suis plus rapide maintenant, je commence à avoir mes automatismes, je sais vraiment où j’ai envie d’aller. En parallèle, j’ai quitté mon travail au mois d’avril dernier. Je diminuais progressivement le nombre d’heures au travail donc je disposais de plus de temps. C’est aussi la continuité de 2016, année au cours de laquelle j’avais produit pas mal de choses et/ou d’autres ont pris du retard suite à des contraintes d’agenda.

Comment approches-tu cette année 2018 ?

L’année est déjà relativement chargée. Pour commencer, je lance une résidence à Nantes tous les deux mois. C’est l’occasion pour moi de revenir dans ma ville, et de créer des synergies avec des artistes que j’apprécie. L’idée principale est la collaboration avec des producteurs que je respecte, aussi bien en studio que derrière les platines.

Ça se passe à Trempolino, c’est une institution nantaise qui accompagne des artistes qui est à l’origine du projet. Leur équipe me donne accès à un studio pour plusieurs jours en amont des soirées. Le club est un blockhaus qui accueille 200 personnes avec un DJ booth au centre de la pièce, une configuration intimiste propice à l’échange et au dialogue entre le DJ et le public. C’est vraiment comme ça que je conçois la culture club. La première édition de la résidence aura lieu le 9 février avec mon acolyte Batu du label Timedance.

Trempolino à Nantes, photo prise par William Jezequel
Vu de l’intérieur…Crédit photo : William Jezequel

J’ai également pas mal de dates de prévues, une tournée hors Europe, et des sorties à venir sur des compilations entre autres. Je ne peux pas en dire plus, mais les informations ne devraient pas tarder à tomber.

Ton dernier EP, paru sur le label anglais Livity Sound, s’intitule « Pour le club ». Était-ce une volonté réelle de produire un EP conçu pour ce type d’espace ou est-ce simplement un clin d’œil ?

Non, c’est vraiment ça ! Mes anciens EP’s peuvent se jouer en club, mais ne sont pas forcément toujours fonctionnels. C’est à la frontière entre un son dancefloor et une musique qui s’écoute chez soi. Mon dernier EP, Pogdance, paru sur BFDM, était assez expérimental, j’ai testé des choses nouvelles sur ce disque.

Je voulais prendre un peu le contre-pied et proposer quelque chose de différent. Je voulais un EP plus fonctionnel avec 2 ou 3 bangers, tout en conservant ma signature. Je suis également DJ et c’est toujours plaisant de pouvoir jouer ses tracks. C’était l’envie du moment tout simplement !

Sur certains titres, tu accélères le tempo, on a l’impression que t’autorises de plus en plus de choses…

Quand j’ai commencé à mixer et à faire du son, j’étais bloqué entre 120 et 130 bpm, comme beaucoup de monde. Puis, j’ai commencé à ralentir pour descendre vers 115 bpm. Lorsque tu changes de tempo, tu t’ouvres à de nouveaux horizons. En ce moment, c’est entre 135 et 140 bpm que je me sens le plus à mon aise pour produire. Cela suit aussi ce que j’écoute et ce que je joue en club.

Depuis un an environ, je me suis mis à accélérer le tempo. J’adore jouer à 140 bpm, car c’est le carrefour de plein de styles ! Tu peux jouer techno, dubstep, electro, des trucs trancey, de la jungle. Puis, si tu dédoubles le tempo, tu tombes à 70 bpm et tu peux enchainer sur des morceaux downtempo… C’est une question de mood. J’aime bien mélanger les styles et comme je joue beaucoup à ce tempo, j’ai envie de produire à ce bpm-là !

Un album est-il à l’ordre du jour ?

Je commence à y penser, mais ce ne sera pas pour tout de suite, je mets simplement des idées de côté. C’est un peu casse-gueule l’exercice de l’album dans la musique électronique, cela me fait un peu peur. J’ai envie de faire un vrai album de musique, un projet qui a du sens et pas juste des morceaux dancefloor. C’est tout un équilibre à trouver et il y a peu d’artistes qui réussissent vraiment bien cet exercice.

Plus jeune, tu as été au conservatoire. Quels souvenirs gardes-tu de cette période et penses-tu qu’elle t’a influencé ? Si oui, comment ?

J’ai fait 6 ans de guitare classique et de solfège, et 3 ans de chorale parce que c’était imposé. Quand j’étais en 6e, je devais presque m’y rendre tous les soirs, c’était difficile et exigeant. La musique est censée être un plaisir, et là j’avais l’impression d’être à l’école. Les cours du conservatoire sont conçus pour te former à une pratique professionnelle. J’ai arrêté en 5e.

Avec le recul, c’était positif d’être baigné dans la musique dès mon plus jeune âge. Cela m’a permis de développer un peu mon oreille musicale, même si aujourd’hui je n’utilise pas du tout le solfège quand je compose.

Par rejet du conservatoire, j’ai pris le chemin inverse. J’ai appris à produire tout seul, en allant sur des forums, en autodidactes. C’est radicalement à l’opposé de la formation classique, il n’y a pas de professeur. C’est une manière complètement différente de voir et d’écrire la musique.

Comment vois-tu l’héritage de tes parents à travers cet épisode ?

Mes parents sont guitaristes et mon père est concertiste, il tourne encore beaucoup. Dans son répertoire, il joue de la musique classique, baroque, mais aussi de la musique contemporaine. Il y a énormément de points communs entre la musique contemporaine et la scène électronique expérimentale. Mon père s’est intéressé à ce que je faisais quand j’ai commencé à produire de l’ambient. C’est là que l’on a compris qu’il y avait beaucoup de points communs entre nos univers et certains aspects de nos parcours. Par exemple, il a travaillé avec le GRM dans les années 70 (groupe de recherche musicale fondée par Pierre Schaeffer, NDLR). J’ai eu la chance d’y aller l’année dernière et de visiter leur studio. C’est dingue que l’on se retrouve et de fréquenter les mêmes institutions.

Tu parles souvent de Steve Reich, ou encore d’Underground Resistance… Quels artistes t’ont influencé à tes débuts ? Comment en es-tu venu à t’intéresser aux musiques électroniques et plus particulièrement à la techno ?

Steve Reich n’est pas un artiste qui m’a influencé au départ, c’est mon père qui me l’a fait découvrir plus tard. J’ai commencé à mixer il y a 10 ans, comme beaucoup de kids à l’époque, J’écoutais beaucoup d’Ed Banger et surtout Institubes, le label de Teki Latex, sur lequel il y avait Surkin et Bobmo. Ce sont surtout eux qui m’ont donné envie de mixer. Ils jouaient les trucs de l’époque, beaucoup d’Electroclash qu’il mélangeait avec beaucoup de morceaux de Chicago House, de Ghetto House. Dans leurs interviews, ils parlaient de SoulSeek, un logiciel de peer-to-peer : un nombre infini de possibilités se sont ouvertes à moi. J’ai commencé à réfléchir par Label plutôt que par artistes.

C’est aussi à partir de ce moment-là que j’ai découvert les enseignes historiques de la Chicago House : Relief Records, Paul Johnson, DanceMania… J’adorais la ghetto house ! J’ai commencé à comprendre que le plus intéressant était de commencer à digger dans les vieux morceaux et de se construire un répertoire le plus personnel possible. Après quelques années à mixer, je me suis tourné vers les UK, la bass music, puis vers des scènes plus expérimentales dans la techno et l’ambient.

Justement, ta musique est souvent définie comme un mélange d’influences UK Techno/Bass, le tout couplé à des influences électroniques plus larges. Es-tu d’accord avec cette affirmation ?

C’est compliqué de parler style, dès que tu essayes de le définir tu t’enfermes obligatoirement dans une case. J’essaye simplement d’avoir ma signature musicale. J’essaye de pousser mon son le plus loin possible, et d’apporter ma pierre à l’édifice de tout ce qui existe. Je ne me dis pas que je vais essayer de faire de la UK Bass ou de l’électro. Mon but c’est d’avoir une signature sonore qui soit originale, personnelle et moderne. Après, cela me fait aussi marrer d’essayer de produire un morceau d’électro en reprenant les codes du genre. L’exercice de style permet de découvrir de nouvelles techniques.

Qu’est-ce qui t’a attiré vers ce style ?

Je suis tombé dedans en 2011, pile au moment où la vague UK a déferlé avec Livity Sound, Hessle Audio, Martyn etc. C’était quelque chose de nouveau et de rafraîchissant. Personne n’avait mélangé les codes de la Dubstep et de la Techno, c’était du jamais entendu. Aujourd’hui, si les connexions entre ces deux styles peuvent paraître évidentes, c’est notamment grâce au travail de Kowton et de Peverelist.

Quand je discute avec d’autres artistes, souvent d’univers différents aujourd’hui, je me rends compte qu’ils suivaient aussi cette scène à l’époque. Pour beaucoup de producteurs de ma génération, c’était une période très importante. Beaucoup d’entre nous sont nostalgiques du temps des premières Boiler Room, à la même époque Objekt sortait ces premiers skeuds.  À cette période, avec des potes on avait un crew qui s’appelait Scribe et on suivait de près cette nouvelle scène. On produisait tous ensemble, il y avait une belle émulation.

Tu as l’air très intéressé par le football, que tu pratiques en club. Tu as même d’ailleurs sorti un EP qui s’appelle Pogdance cette année le label… un hommage ?

J’aime beaucoup le foot, je joue une à deux fois par semaine. Le nom de l’Ep fait référence à l’artwork du disque où je fais un dab avec Louis des Pilotwings., eh oui j’aime bien Paul Pogba, tant pour le sportif que pour le personnage. J’adore son côté roi du marketing, il peut tout se permettre. Il peut en faire trop et paraitre parfois agaçant, mais il est en phase avec son époque. Il a l’air de prendre du plaisir et de ne pas trop se soucier de ce que les autres pensent de lui. Puis surtout, ça reste un excellent joueur…

Pour ceux qui connaissent, je joue aussi à MPG, ce qui est hyper prenant. Tu te retrouves à regarder des Amiens-Dijon, car tu as l’attaquant dans le jeu… Et je ne suis pas mécontent de ma team (rires). En attaque, j’ai Mbappé et Toko-Ekambi, au milieu j’ai Sanson, Luiz Gustavo et Bourrigeaud, la pépite rennaise, ainsi que Diallo de Guingamp. En défense, j’ai pris pas mal de joueurs de Montpellier (Mukiele, Roussillon) … Pour terminer, je supporte Nantes, le club de ma ville d’origine ! »

Retrouvez Simo Cell en tournée :
20/01 – Kwartz Club, Nice
27/01 – La Gaité Lyrique, Paris
02/02 – BFDM Showcase @ Le Discret, Lyon
09/02 – RE-Cell (B2B Batu) @ Trempolino, Nantes
15/02 – BFDM Showcase@ Saüle/Berghain, Berlin
17/02 – La Serre, Bordeaux
23/02 – Roots United, Saint Petersburg
24/02 – Mum & Dad Studios, London
02/03 – BFDM Showase @ Le Zoo, Genève